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RESTRUCTURATION ET FRONDE SOCIALE

RESTRUCTURATION ET FRONDE SOCIALE

La problématique de la restructuration d’une entreprise face aux difficultés sociales que celle-ci génère prend effectivement, du fait des désastres que subit notre économie depuis des années, une importance à l’origine de beaucoup de crispations sociales, d’incompréhensions manipulées par les politiciens, au détriment, in fine, de la détresse réelle ou supposée générée par la restructuration elle-même.

Trois points de vue peuvent être mis en perspective les uns par rapport aux autres :

– L’emploi est la conséquence de l’existence de l’entreprise
– L’emploi est la cause de l’existence de l’entreprise
– L’emploi et l’entreprise n’existent chacun que parce que l’autre existe

Considérer que l’emploi est une conséquence, comme on peut l’entendre dans des milieux « autorisés » n’est pas, contrairement aux apparences, une vérité économique à proprement parler, mais un truisme spécieux. Car, cette vérité, qui passe pour une vérité banale, les deux pieds dans la glaise, est en réalité fausse. En effet, qui crée l’entreprise, si ce ne sont des individus, eux-mêmes employés de l’entreprise qu’ils viennent de créer, avant même qu’elle n’existe ?

Dire que l’emploi est la cause nous relie d’une certaine manière au paragraphe précédent. Mais cela revient, en quelque sorte, à soutenir que l’entreprise n’est créée que pour créer de l’emploi. Est-ce bien vrai ? Si c’est le cas, qu’attendent donc nos politiciens et leurs séides pour passer à l’acte et réduire de manière drastique le chômage endémique qui ronge notre Pays ? Ne leur jetons pas la pierre. Vous et moi savons qu’on crée une entreprise pour servir un marché, ou pour créer un marché via la création d’un besoin. Dans ces conditions, l’emploi n’est plus une cause, ni une conséquence, mais un moyen de créer de la richesse en servant un marché. L’inconvénient est que, dans cette approche, l’homme est un équipement industriel à l’instar de n’importe quelle machine de l’entreprise.

La relation de causalité entre emploi et entreprise n’apparaît donc pas aussi évidente qu’on aurait pu s’y attendre. Peut-être est-ce parce qu’elle n’existe pas.

Comme toute espèce vivante, l’homme doit se nourrir pour vivre et se reproduire pour survivre. Il a commencé par cueillir des fruits qui ont l’inconvénient de disparaître en hiver. En complément, il est devenu chasseur, mais ça n’est pas évident d’attraper un gibier qui court plus vite que soi. Alors, il entreprit de s’associer avec des congénères pour gagner en efficacité lors des chasses et parvenir ainsi à se nourrir avec une relative régularité. C’est le début de la civilisation : comprendre qu’on a besoin des autres pour être plus fort.

Il entreprit de s’associer… Vaste programme, dirait d’aucun.

L’entreprise était créée et tout y est : l’objet, la forme, les moyens, la finalité.

– L’objet : vouloir se nourrir régulièrement
– La forme : se mettre à plusieurs pour être plus fort, plus efficace
– Les moyens : les techniques de chasse créées ensemble
– La finalité : être nourri régulièrement

Et rien n’a changé depuis 100.000 ans : l’entreprise naît par le sentiment qu’éprouvent quelques personnes de partager un projet commun et l’objectif ultime de cette entreprise est encore et toujours d’être une machine permettant d’assurer le plus régulièrement possible la subsistance de ses membres.

Les notions d’entreprise et d’emploi se créent donc l’une l’autre en toute concomitance. Et cette concomitance perdure tout au long de la vie de l’entreprise. Si l’entreprise va mal, l’emploi va mal. Si l’emploi va mal (mauvais climat social, difficultés de recrutement…), alors l’entreprise va mal aussi.

Quand l’entreprise va mal, le produit de la chasse ne permet plus d’en nourrir tous les membres. Sauf à tous mourir de faim, il faut bien faire une remise en cause, c’est-à-dire restructurer l’entreprise. L’enjeu consiste alors à tout faire pour continuer à nourrir au moins une partie des membres et d’éviter à tout prix de ne plus pouvoir nourrir personne à terme si rien n’est fait.

Couler tous ensemble, façon Titanic, avec l’orchestre qui joue jusqu’à la dernière seconde de la dernière minute, je reconnais que ça a de « la gueule ». Chapeau bas !

Mais, si l’entreprise survit, même avec une taille réduite, elle demeure en situation d’embaucher. Elle garde donc sa fonction première. En revanche, si elle disparaît, c’en est définitivement fini de ce pourquoi elle a été créée.

Restructurer l’entreprise n’est donc pas un gros mot. C’est l’expression de l’ardente nécessité de survie d’une machine à nourrir des familles.

Mais ça n’est pas une raison pour traiter les personnels comme des moyens de production (voir plus haut) qu’on met à la casse quand ils ne servent plus.

Cependant, la fronde sociale à laquelle nous assistons le plus couramment, par médias interposés lors des restructurations des entreprises les plus grandes, a le plus souvent une allure de contestation politique ou politicienne. Les syndicats d’extrême gauche, pléonasme, exigent qu’aucun licenciement ne soit effectué. Les politiciens de tous poils, hautement expérimentés en matière économique et industrielle, comme chacun sait, eux qui, dans leur écrasante majorité, n’ont jamais mangé un seul bifteck de leur vie d’adulte qui n’ait été payé avec l’argent des contribuables, s’excitent mutuellement dans la surenchère sous l’œil goguenard des concurrents de l’entreprise en difficulté.

C’est comme cela que le plan initial de restructuration de GOODYEAR Amiens qui, à l’origine, ne devait pas fermer l’usine, s’est terminé par une fermeture définitive au bout de trois ans de guerre de tranchée et en ayant bien pris soin de dégoûter les éventuels repreneurs du site (et d’une partie des employés). Il faut dire qu’avec un délégué CGT membre du NPA d’Olivier Besancenot et un ministre du Redressement Productif, l’expression ne s’invente pas, qui invectivaient les candidats à la reprise dans les médias, le combat était gagné d’avance. C’est comme à Verdun : une grande boucherie érigée en grande victoire.

Suite à cet épouvantable gâchis, combien d’entrepreneurs étrangers, voire même Français, ont préféré se tourner vers d’autres pays que la France pour effectuer leurs investissements industriels ?

Combien d’emplois nouveaux avons-nous perdu ?

Parce que le problème est là. Il nous faut admettre que l’entreprise et les postes de travail qu’elle comporte sont des organismes vivants et, comme tous les organismes vivants, la naissance est suivie de la maturité, puis du déclin et enfin de la mort. Mais pendant qu’une entreprise décline avec tous son cortège de craintes pour l’avenir et de licenciements que cela génère, une autre commence sa vie et embauche et, très souvent, mais oui, a du mal à recruter.

Si l’emploi était resté figé dans sa configuration du 19ème siècle, nous n’aurions jamais eu les ressources humaines nécessaires pour développer l’automobile, l’aviation, l’informatique, l’électronique, les médicaments, la téléphonie, la télévision, etc…

Seule la succession des générations d’entreprises est porteuse de développement et d’innovation, de même que la succession des générations d’Humains est porteuse d’évolution des mentalités et de l’amélioration des comportements sociaux tels que suppression de l’esclavage, droits des femmes et des minorités, démocratie, etc…

Mais, il reste que chaque rupture avec le passé est vécue comme une crise qui, dans l’entreprise, provoque remises en cause d’avantages, licenciements… C’est le rôle du manager de gérer ces mues, en toute conscience, mais aussi en toute humanité et sans s’aveugler lui-même quant à la nature de la fin de cycle qu’il doit gérer.

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